retour                                                           Francis PLANTE

L'histoire de Francis PLANTE est celle d'un prodige, c'est aussi celle d'un très grand homme d'esprit et de coeur. Né le 2 mars 1839, le musicien doit beaucoup à la présence attentive et à la lucidité d'un père mélomane, qui a su très tôt déceler en lui un génie musical inné. En 1840, ce père sensible décide de partir pour Paris, à seule fin de donner à son fils les meilleurs professeurs. Dès l'âge de 4 ans, le petit Francis suit les cours de Madame de Saint Aubert, ancienne élève de Franz Liszt, qui perçoit vite des dons exceptionnels chez ce tout jeune musicien, et saura l'aider à les développer. A 7 ans, le garçonnet se produit en public pour la première fois. Son interprétation de la troisième sonate de Beethoven est très remarquée. Admis en 1849 au Conservatoire de Musique et de Déclamation en qualité d'auditeur, il suit les cours d'Antoine Marmontel, et reçoit le 1er prix au concours, après deux ans d'études au Conservatoire. Dès 13 ans, il donne des concerts de musique de chambre, et remporte tous les suffrages. Au salon parisien de Madame Erard, il côtoie Nicolas Rubinstein, Gounod, Wagner, et se lie d'amitié avec Liszt et Rossini, qui lui écrira "vous possédez ce que l'on ne peut acquérir, l'élégance de sentiment et l'exécution de l'artiste consommé .... " .

En 1861, il participe aux matinées musicales de Londres, et se produit chez le due de Westminster. Pianiste romantique au toucher d'une très grande sensibilité, "il excelle dans l'art de moduler et de nuancer le son " (Marmontel), et se fait l'interprète idéal de Liszt, Chopin, Schumann et Mendelssohn. Il pourrait dès lors se repaître de sa grande notoriété, et mener à loisir une vie mondaine. Il n'en fait rien. Très attaché aux Landes où, tout enfant, il passait des vacances montoises chez sa tante Louise, épouse du Maire Armand Marrast, il demeure plus sensible à la simplicité qu'à la gloire internationale et aux attentions dont il est comblé. C'est à Mont de Marsan qu'il épouse en 1869 Léonie Jumel, fille d'un avoué et conseiller général. Il a 30 ans. Il est jeune, généreux, et désire s'impliquer, donner de lui-même, servir la communauté des hommes. En 1871, il donne gratuitement plusieurs concerts à la Société des Concerts du Conservatoire, pour aider à payer les cinq milliards d'indemnités dus à l'Allemagne.

En 1881, il hérite, de son oncle et parrain Armand, l'hôtel de la rue Victor Hugo (actuellement, siège du Conseil Général), et devient tout à fait montois. Il mène dès lors une vie familiale tout à fait paisible, déployant à l'égard de ses filles une sollicitude semblable à celle que lui avait témoignée son père. A Saint-Avit, où il aime chasser dans sa propriété de "Le Bigné'', il participe sans façons à la vie locale, et accepte d'être le Maire de cette petite commune pendant 21 ans, déployant une inépuisable générosité. A t-il été touché par la grâce? A la mort de son épouse, en 1908, il décide de ne plus jouer que dans les églises, derrière un écran de verdure, au profit d'oeuvres charitables. Seule la guerre de 1914 le fait sortir de cette humble attitude de retrait.

A 1'âge de 75 ans, il reprend ses tournées en province et donne deux concerts à Saint-Honoré d'Eylau, à Paris, dans le seul but de subventionner les oeuvres en faveur des soldats et de leurs familles. Et comme l'évolution intérieure de l'homme précède et accompagne celle du musicien, le jeu du virtuose, un temps imprégné d'une délicate et brillante préciosité, devient "une interprétation élargie et simplifiée" (Pierre Lalo). Francis Planté a atteint la maturité de son art, il joue plus grand et plus profond. En 1928 (il a 89 ans!), le merveilleux pianiste enregistre chez Colombia neuf disques consacrés à Mendelssohn, Chopin, Schumann, Berlioz, Boccherini et Gluck. Fidèle à sa conception de l'art, Francis Planté continue à travailler son instrument huit heures par jour.

Jusqu'à 92 ans, il ne cessera de mettre son immense talent au service des autres. En 1931, il est fait Commandeur de la Légion d'Honneur. C'est peu de chose au regard du magicien et du frère des hommes qu'il fut.

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